En préambule de cette manifestation, une conférence-débat est organisée le lundi 5 mai 2008 à 19 heures sur le thème : le traité simplifié c'est quoi ? dans les locaux de l'université d'Amiens.
A cette occasion seront présents :
Mme B. Fouré députée européenne
Mlle M-J. Fleury, consultante et fondatrice de l'Europe à la Une,
M. O. Leroux, président de Bleu comme Europe,
M. P-M. Thobois, président du Mouvement européen Picardie.
Cette conférence-débat sera retransmise sur la toute nouvelle chaine d'information locale : "TV Amiens".
Thème 1 : La représentation de l’Union Européenne
Pour bien comprendre les changements apportés par le traité de Lisbonne dans ce domaine, pouvez-vous nous expliquer par qui et comment, à l’heure actuelle, l’Union Européenne est-elle représentée ?
Le triangle institutionnel :
Le président de la Commission européenne
Le président de l’Union européenne
Le président du Parlement européen
Monsieur PESC
Nous l’avons vu dans le film, avec le traité de Lisbonne, l’Europe aura un Président. Par qui est élu ce Président, pour combien de temps et quel sera son rôle ?
Le Président du Conseil européen
Le Traité de Lisbonne a créé la fonction de Président (permanent) du Conseil européen.
Ce Président devra être nommé après l'entrée en vigueur du Traité prévue pour le 1er janvier 2009.
Les dispositions du Traité de Lisbonne
C'est l'article 15 du Traité (version consolidée) qui fixe les règles relatives au Président du Conseil européen et aux tâches / rôle du Conseil.
« Le Conseil européen élit son Président à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois. » (§ 5)
Le Président du Conseil
a) préside et anime les travaux du Conseil européen ;
b) assure la préparation et la continuité des travaux du Conseil européen en coopération avec le Président de la Commission, et sur la base des travaux du Conseil des affaires générales ;
c) œuvre pour faciliter la cohésion et le consensus au sein du Conseil européen ;
d) présente au Parlement européen un rapport à la suite de chacune des réunions du Conseil. » (§ 6)
Le Président du Conseil assure, à son niveau et en sa qualité, la représentation extérieure de l'Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, sans préjudice des attributions du Haut représentant de l'Union [...]. (§ 6)
Le Président du Conseil européen ne peut pas exercer de mandat national. » (§ 6)
Le Conseil européen
« Le Conseil européen donne à l'Union les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations et les priorités politiques générales. Il n'exerce pas de fonction législative. » (§ 1)
« Le Conseil européen se prononce par consensus, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement. » (§ 4).
Éléments d'interprétation
L'élection et le mandat du Président :
Le « collège électoral » du Président est limité aux membres du Conseil européen - mais ceux-ci votent à la majorité qualifiée, c'est-à-dire selon la pondération des voix des différents États membres : ceci afin d'éviter, à la fois, les blocages que provoquerait une exigence d'unanimité - et une élection du Président par une majorité simple de « petits États » ne représentant pas une majorité des citoyens européens.
La durée du mandat du Président du Conseil européen est volontairement inférieure à celle du Président de la Commission - tout en pouvant être égale à celle-ci en cas de renouvellement. Cela permet d'éviter un « parallélisme concurrentiel » trop fort entre les deux présidents / institutions, donne la possibilité d'organiser un nouveau débat à mi-mandat et, le cas échéant, de tenir compte d'une composition différente du Conseil européen suite à des élections nationales.
Pour des raisons pratiques et politiques, le Président ne pourra pas exercer de mandat national en même temps que sa présidence - et ne devra pas nécessairement (comme ce fut proposé à l'origine), être un ancien membre du Conseil européen. Il acquiert ainsi une certaine distance et une certaine indépendance vis-à-vis du « club » des Chefs d'État et de gouvernement. Si, dans la pratique, les premiers Présidents seront vraisemblablement issus du « club » - rien n'empêcherait donc qu'une personnalité extérieure soit un jour désignée.
À l'intérieur de l'Union européenne, le Président du Conseil européen a d'abord pour rôle « technique » de présider et d'animer les débats. Mais il assure aussi une certaine « permanence » entre les réunions trimestrielles du collège tant pour la préparation de ces réunions que pour assurer le suivi (la « continuité ») des travaux / décisions du Conseil européen. Sur un plan plus politique, il doit également s'efforcer de maintenir la « cohésion » du Conseil (c'est-à-dire d'éviter des crises ou des fractures), mais aussi de le guider vers le consensus, c'est-à-dire de rallier l'unanimité (ou une large majorité) des membres nécessaires pour la prise de décisions effectives.
À l'extérieur, le Président représente l'Union, mais seulement dans les domaines de la PESC et au niveau des Chefs d'État et de gouvernement étrangers. Au niveau des ministres des Affaires étrangères, ce rôle est dévolu au Haut représentant qui « conduit » la PESC selon les lignes directrices fixées par le Conseil européen et le Conseil des Ministres des Affaires étrangères (qu'il préside).
Pour exercer ces fonctions, le Président ne dispose pas de services ni de budget spécifiques. Il n'a pas d'autorité hiérarchique ni même de compétences de coordination sur les différentes formations du Conseil de Ministres[2].
Un « chairman » ou un Président ?
Au sein de la Convention, deux conceptions différentes du rôle du Président se sont affrontées :
celle du Président « Chairman » (Président de séance), se limitant à organiser les travaux et les débats sans influencer directement et ouvertement leurs orientations politiques, sans intervenir dans le processus législatif géré par le triangle Commission / Conseil des ministres / Parlement et sans concurrencer le Président de la Commission dans son rôle de chef de l'exécutif européen. Cette conception était partagée par les partisans du respect de la méthode communautaire, soucieux de préserver l'équilibre actuel entre les trois institutions et notamment la fonction démocratique du Parlement (dans son rôle de colégislateur et de contrôle politique) et la fonction exécutive de la Commission (ainsi que son rôle d'initiative et de gardienne des traités).
celle d'un « Président fort », défendue par les partisans d'une approche intergouvernementale du fonctionnement de l'Union où le Président du Conseil européen pourrait imposer aux autres institutions les orientations ou décisions du collège des Chefs d'État et de gouvernement - voire interviendrait directement dans la gestion des affaires - et serait identifié - dans l'opinion publique européenne comme à l'extérieur de l'Union - comme l'autorité européenne suprême.
L'économie des dispositions finalement arrêtées semble se situer à la charnière de ces deux conceptions et viser en priorité à améliorer l'efficacité de l'action du Conseil européen sans altérer l'équilibre institutionnel assuré par le « triangle » Parlement / Conseil de Ministres / Commission. Le but serait surtout de permettre au Président :
o de saisir directement et rapidement le Conseil de toutes questions importantes de sa compétence,
o de maintenir, au sein du collège, un esprit de solidarité et d'en assurer la cohésion,
o d'orienter ses débats de manière à faire émerger un consensus qui tienne compte de l'intérêt général de l'Union,
o d'assurer, auprès des membres du collège comme auprès des autres institutions, le suivi politique des décisions prises (sans toutefois empiéter sur leurs compétences et leur indépendance).
Il est d'ailleurs probable que le rôle le plus important du Président du Conseil européen s'exercera dans le cadre de la PESC (dont le Traité de Lisbonne préserve assez largement le caractère intergouvernemental) et consistera notamment à harmoniser progressivement les positions des États membres en matière diplomatique et de défense lorsque l'Union se trouve confrontée à des crises internationales comme celles de l'Irak ou du Kosovo.
L’essentiel réside dans l’application. Le résultat du nouveau régime dépendra, en définitive, de la manière dont il sera interprété. Le futur président stable aura-t-il des relations de confiance avec le président de la Commission ? Ambitionnera-t-il de disposer d'un staff nouveau à son service, ou bien fera-t-il confiance, pour l'essentiel, à ce qui existe ? Disposera-t-il d'une connaissance approfondie de la réalité européenne et des mécanismes communautaires, ou bien se souciera-t-il surtout de ses ambitions personnelles ?
Le premier Président du Conseil européen
Compte tenu du caractère très novateur de cette fonction et du caractère très général des dispositions du Traité à son égard, celle-ci sera largement déterminée par l'expérience, c'est-à-dire par les rapports de force interinstitutionnels et par la personnalité de ses premiers titulaires.
Le premier Président sera élu par le Conseil européen après l'entrée en vigueur du Traité prévue pour le 1er janvier 2009.
Ce choix ne pourra toutefois pas être politiquement dissocié de ceux des Présidents des autres institutions (Commission et Parlement) - voire du Haut représentant pour la PESC - lesquels n'interviendront qu'après les élections européennes de juin 2009.
Ils seront fortement influencés par le résultat de ces élections (c'est-à-dire par la définition du nouvel équilibre politique européen) et nécessiteront l'accord du Parlement européen dans sa nouvelle composition. Sans doute faudra-t-il aussi tenir compte de l'équilibre entre les « grands » et les « petits » États membres, entre les « anciens » et les « nouveaux » États, entre le « Sud » et le « Nord » européens ainsi qu'un équilibre des genres (hommes / femmes)...
Pour ces raisons, plusieurs personnalités (dont Jo Leinen, Président de la commission des Affaires constitutionnelles) ont proposé de nommer les quatre personnalités « en paquet » - c'est-à-dire sur la base d'un accord global - et seulement après les élections de juin 2009. La nomination du Président du Conseil serait donc reportée de quelques mois, ainsi que celle du nouveau Haut représentant (le Haut représentant actuel assurant l'intérim).
Par ailleurs, tant le Président Valéry Giscard d'Estaing que les membres du Parlement européen (dont M. Lamassoure), ont souhaité une certaine « ouverture démocratique » du processus de sélection et de nomination du Président du Conseil.
Le Parlement européen, pour sa part, a décidé de confier à M. Jean-Luc Dehaene, membre de la commission des Affaires constitutionnelles, un rapport sur la mise en œuvre du Traité de Lisbonne dans lequel il devra notamment étudier « la délimitation des prérogatives du Président du Conseil européen » ; ce rapport devrait être adopté en septembre 2008, c'est-à-dire en temps utile pour la préparation de ces nominations.
Une nouvelle fonction apparaît également avec ce Traité, c’est celle de "Haut Représentant pour les affaires étrangères". Là encore, par qui est-il nommé, pour combien de temps et, surtout, quel sera son rôle ?
Le ministre des affaires étrangères de l'Union créé par le traité constitutionnel européen devient haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. L’instauration d’un Haut représentant des affaires étrangères crée l’organe d’une politique étrangère commune. Il sera doté d’un service européen de l’action extérieure.
Le Conseil européen statuant à la majorité qualifiée, avec l’accord du président de la Commission européenne, nomme le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Ce dernier conduit la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union.
Il contribue par ses propositions à l’élaboration de cette politique et l’exécute en tant que mandataire du Conseil.
Il agit de même pour la politique de sécurité et de défense.
La nouveauté est que ce Haut représentant présidera le Conseil des affaires étrangères. Il est en plus l’un des vice-présidents de la Commission, chargé de l’action extérieure.
Le chapitre consacré à « l’action extérieure de l’Union [1] » confirme la règle générale de vote à l’unanimité, avec quelques exceptions. « Par dérogation », le Conseil peut notamment statuer à la majorité lorsqu’il « adopte une décision à l’initiative du Haut représentant pour les affaires étrangères, suite à une demande du Conseil européen ». Un État-membre peut s’opposer à ce vote à la majorité, pour des « raisons de politique nationale vitale ». En matière de politique commerciale, l’unanimité s’applique lorsqu’il s’agit d’un secteur qui est traité à l’unanimité à l’intérieur de l’Union (services et propriété intellectuelle).
La suite de cette intervention les Thèmes 2 et 3 disponibles dans la rubrique Intervention, en date du 24 juin 2008, sous les articles intitulés :
Fête ou faite de l'Europe (2/4)
Fête ou faite de l'Europe (3/4)
Fête ou faite de l'Europe (4/4).