Thème 2 : L’Union Européenne en action
Encore une fois, pour bien comprendre les changements apportés par le Traité de Lisbonne, j’ai envie de vous demander comment fonctionnent les institutions européennes aujourd’hui (avec le traité de Nice) ? Quel est le processus décisionnel ?
Proposition de la Commission, transmise au Conseil et au Parlement européen, adoptée par codécision 95 % des cas).
Le Conseil des ministres :
Avec le Traité de Lisbonne, quels seront les principaux changements ?
Le Conseil de l’Union européenne
Le Conseil représente les gouvernements des États membres, le Parlement représente les peuples européens, et la Commission représente l’intérêt européen.
Définition
Le Conseil de l’Union européenne est l’institution au sein de laquelle se réunissent les ministres des gouvernements nationaux des États membres. C’est elle qui dispose du pouvoir de décision, pouvoir partagé, dans un certain nombre de cas, avec le Parlement européen.
Le Conseil est formé par un représentant de chaque État membre au niveau ministériel, habilité à engager le gouvernement de cet État. La composition du Conseil peut varier en fonction des sujets traités.
Depuis 2002, une liste de neuf formations du Conseil a été arrêtée :
1. Affaires générales et relations extérieures
2. Affaires économiques et financières
3. Justice et affaires intérieures
4. Emploi, politique sociale, santé et consommateurs
5. Compétitivité (marché intérieur, industrie et recherche)
6. Transports, télécommunications et énergie
7. Agriculture et pêche
8. Environnement
9. Éducation, jeunesse et culture.
Le Conseil a six responsabilités essentielles :
- il adopte la législation européenne. Une grande partie de la législation de l’UE est adoptée conjointement par le Conseil et le Parlement européen. En règle générale, le Conseil agit uniquement sur proposition de la Commission et cette dernière a la responsabilité de faire en sorte que la législation européenne, une fois adoptée soit correctement appliquée;
- il coordonne les grandes orientations des politiques économiques des États membres ;
- il conclut des accords internationaux entre l’UE et un ou plusieurs pays ou organisations internationales ;
- il approuve le budget de l’UE de concert avec le Parlement européen ;
- il définit la politique étrangère et de sécurité de l’UE ;
- il coordonne la coopération entre les instances judiciaires et les forces de police nationales en matière pénale.
Le Conseil est assisté dans son travail par le Coreper (Comité des représentants permanents, composé de diplomates). En règle générale, les décisions du Conseil sont prises à la majorité qualifiée ce qui améliore l’efficacité de son fonctionnement.
Depuis le 1er mai 2004, une majorité qualifiée est atteinte :
- si une majorité d’États membres donne son approbation (dans certains cas, une majorité des deux tiers), ET
- si un minimum de 232 voix est exprimé en faveur de la proposition.
Tout État membre peut en outre demander la confirmation que les voix favorables représentent au moins 62 % de la population totale de l’Union. S’il s’avère que ce critère n’est pas respecté, la décision ne sera pas adoptée.
Toutefois, dans certains domaines politiques « sensibles » (politique étrangère et de sécurité commune, sécurité sociale, fiscalité, l’asile et l’immigration…), le Conseil doit se prononcer à l’unanimité.
Chaque État membre y dispose d’un droit de véto.
Une critique régulièrement adressée au Conseil concerne la mauvaise coordination des orientations politiques de ses différentes formations. En principe, il revient au Conseil Affaires générales de garantir cette coordination, mais en pratique cette coordination fait souvent défaut.
Pour pouvoir calculer une majorité qualifiée, chaque pays dispose d’un certain nombre de voix, pondéré en fonction notamment de l’importance de sa population, mais également de « critères politiques » non écrits.
Depuis sa création, l’Europe accorde une importance plus que proportionnelle aux États membres les moins peuplés. Dans l’Europe des Six, cela permettait aux trois « petits » pays (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg) de compter autant, même plus, qu’un des trois « grands » pays (Allemagne, France, Italie). Mais les élargissements successifs, et en particulier la perspective d’adhésion des pays d’Europe centrale et orientale, ont changé cet équilibre global : en effet, dans la grande Europe des Vingt-sept,on ne comptera que six grands pays (les trois précités plus le Royaume-Uni, l’Espagne et la Pologne) contre vingt et un moyens ou petits pays. C’est cette perspective qui a abouti à une modification de la pondération des voix lors du sommet européen de Nice en décembre 2000.
Depuis le 1er novembre 2004, les États membres (en ce compris les nouveaux États) disposent respectivement du nombre de voix suivant :
Signalons enfin que la présidence du Conseil est exercée à tour de rôle par chaque membre du Conseil pour une durée de six mois.
Ce que prévoit le Traité de Lisbonne
Le Conseil de l’Union européenne prendrait le nom de Conseil des ministres ou Conseil.
La formation du Conseil Affaires générales et Relations extérieures serait scindée en Conseil Affaires étrangères, présidé par le ministre des Affaires étrangères de l’Union européenne, et Conseil des Affaires générales. Le Conseil des Affaires générales assurerait la cohérence des travaux des différentes formations du Conseil. Le Conseil des Affaires étrangères élaborerait l’action extérieure de l’Union selon les lignes stratégiques fixées par le Conseil européen et assurerait la cohérence de l’action de l’Union.
La présidence des formations du Conseil, à l’exception de celle des Affaires étrangères, serait assurée par des groupes prédéterminés de trois États membres, composés par rotation égale des États, pour 18 mois. Chaque membre du groupe assurerait la présidence de ces formations du Conseil à tour de rôle.
La présidence semestrielle, supprimée au niveau du Conseil européen, serait donc maintenue pour le Conseil des ministres, sauf pour le Conseil Affaires étrangères.
Chaque session du Conseil se composerait de deux parties : les délibérations sur les actes législatifs de l’Union et les activités non législatives. Le Conseil siègerait en public lorsqu’il délibèrerait et voterait sur un projet d’acte législatif.
Le Conseil des ministres vote les lois proposées par la Commission à la majorité qualifiée, avec un système de double majorité. Pouvez-vous nous expliquer ce que l’on entend par majorité qualifiée et double majorité ?
Dans bon nombre de matières, le traité a prévu que les décisions sont prises à la majorité qualifiée, c'est-à-dire qu'elles requièrent plus de voix que la majorité simple. Mais en ce cas, il n'y a plus égalité des droits de vote. Chaque pays dispose d'un certain nombre de voix selon sa population (article 205, paragraphe 2, CE).
(Avant l'adhésion des 10 nouveaux États membres, la situation était la suivante: Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni: dix voix; Espagne: huit voix; Belgique, Grèce, Pays-Bas et Portugal: cinq voix; Autriche et Suède: quatre voix; Danemark, Finlande et Irlande: trois voix; Luxembourg: deux voix. Soit au total 87 voix dont 62 sont nécessaires pour qu'une décision soit acquise. Lorsque le Conseil peut prendre une décision sans proposition de la Commission, une condition supplémentaire doit être remplie: les 62 voix doivent représenter au moins dix États membres).
Avec l'adhésion des 10 nouveaux États membres, le nombre total de voix au Conseil est passé à 124 au cours de la période de transition (1er mai 2004 — 31 octobre 2004). La majorité qualifiée requise est de 88 voix (70,97%).
Dès le 1er novembre 2004, une nouvelle pondération des voix a été introduite et la majorité qualifiée sera obtenue si (avec 27 États membres):
- la décision recueille au moins 255 voix du nouveau total de 345 voix (73,91%),
- la décision est approuvée par une majorité d'États membres, et
- la décision est approuvée par au moins 62% de la population de l'UE (l'observation de ce dernier critère doit être sollicitée par un État membre).
Si une proposition n'émane pas de la Commission, l'adoption d'un acte du Conseil devra recueillir au moins 255 voix, exprimées par au moins deux tiers des membres.
Depuis le 1er janvier 2007, l'Union compte 27 États membres et le nombre total de voix au sein du Conseil s'élève désormais à 345. La majorité qualifiée s'établit à 255 voix.
La répartition des voix pour les États qui étaient déjà membres de l'Union avant le 1er janvier 2007 reste inchangée. La France comme les 3 pays les plus peuplés (Allemagne, Italie et Royaume-Uni) continue donc de disposer de 29 voix. La Bulgarie et la Roumanie se voient attribuer respectivement 14 et 10 voix. Le nombre de voix accordé à chaque État membre est en partie proportionnel à son nombre d'habitants.
Répartition des voix :
Allemagne, France, Italie | 29 voix |
Espagne et Pologne | 27 voix |
Roumanie | 14 voix |
Pays-Bas | 13 voix |
Grèce, République tchèque, | 12 voix |
Suède, Autriche et Bulgarie | 10 voix |
Slovaquie, Danemark, Finlande, | 7 voix |
Lettonie, Slovénie, Estonie, | 4 voix |
Malte | 3 voix |
Le Conseil des ministres forme avec la Commission et le Parlement le troisième côté du « triangle institutionnel ». Il vote les « lois » proposées par la Commission mais sur la base d’une règle particulière : la « majorité qualifiée ».
Qu'est-ce que la « majorité qualifiée »?
La majorité est dite « qualifiée » parce qu’il est apparu, depuis l’origine de la construction européenne, que pour être acceptée et jugée légitime, une décision européenne prise au Conseil des ministres, où siègent les représentants des États, devait recueillir un soutien allant au-delà de la majorité simple (50% des votes plus un) prenant en compte le poids des États.
AVANT LE TRAITÉ DE LISBONNE (AVEC LE TRAITÉ DE NICE – 2001)
Calcul de la majorité qualifiée selon un système de pondération des voix:
Les États membres bénéficient d’un certain nombre de voix, en fonction notamment de leur poids démographique.
AVEC LE TRAITE DE LISBONNE
Calcul de la double majorité selon deux critères :
État : 55% des États de l'UE (soit à 27, 15 États membres)
Population : 65% de la population de l'UE
Une minorité de blocage doit inclure au moins 4 États membres.
Le système de la double majorité est non seulement plus démocratique mais aussi plus efficace, en comparaison du système inscrit dans le traité de Nice (2001), puisqu'il facilite la formation des majorités et donc la prise de décision, ce qui est essentiel dans une Union composée de 27 États.
L’une des questions considérées comme fondamentales a été la définition du vote à la majorité qualifiée au Conseil. Le vote à la majorité qualifiée a été redéfini et étendu[1] :
Cf article 9C du traité sur l’Union européenne et Protocole sur les dispositions transitoires ainsi que l’article 205 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
Ø Jusqu’au 31 octobre 2013, le vote à la majorité qualifiée du traité de Nice s’applique (majorité d’États, de voix et 62% de la population européenne),
Ø A partir du 1er novembre 2014, la majorité qualifiée se définit comme étant égale à au moins 55% des membres du Conseil comprenant au moins 15 d’entre eux et représentant des États-membres réunissant au moins 65 % de la population de l’Union,
Ø Cependant, la majorité qualifiée est aussi atteinte si les votes négatifs proviennent de moins de 4 États-membres. Les abstentions ne sont pas prises en compte dans le calcul de la minorité de blocage)l.
Ø Par dérogation à ce qui précède, la majorité qualifiée est de 72% des Etats représentant toujours 65% de la population chaque fois que la proposition n’émane pas de la Commission européenne ou du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité,
Ø « Le compromis de Ioannina », créé en 1994, qui n’a servi qu’une fois, est incorporé dans le traité : si des membres du Conseil représentant au moins ¾ de la population ou au moins ¾ des États-membres nécessaires pour constituer une minorité de blocage indiquent leur opposition, le Conseil poursuit les discussions pendant un « délai raisonnable » sans mettre en cause les limites de temps imposées par le droit communautaire, en vue de répondre aux préoccupations exprimées par ces États,
Ø Le Protocole n°10 sur les dispositions transitoires prévoit à l’article 2 qu’ « entre le 1er novembre 2014 et le 31 mars 2017, lorsqu’une délibération doit être prise à la majorité qualifiée, un membre du Conseil peut demander que cette délibération soit prise à la majorité qualifiée telle que définie à l’article 3. Dans ce cas, les § 3 et 4 s’appliquent » ; Les délibérations sont acquises quand elles ont recueilli au moins 255 voix exprimant le vote favorable de la majorité des membres, sur une initiative de la Commission. Dans les autres cas, 255 voix exprimant le vote favorable d’au moins les 2/3 des membres.
Force est de constater que la nouvelle version du vote à la majorité qualifiée est plus complexe, qu’elle ne l’a jamais été même avec le traité de Nice ! Pour donner quelque chose à tout le monde, on a fini par ajouter un nombre minimal de 15 États-membres pour le calcul de cette double majorité. De même, la minorité de blocage est fixée au vote négatif de 4 États-membres. On le sait ce n’est pas de cette façon que s’opèrent les votes au sein du Conseil à savoir petits contre grands États-membres. Cette formule vise aussi à permettre aux uns de prétendre avoir imposé 60% des États puisque cela y correspond dans une Europe à 25, à 27. Le minimum de 15 États-membres implique une majorité de 55,56% des États ou la moitié des États plus deux, donnant ainsi satisfaction à d’autres.
Le compromis d’Ioannina est intégré à la demande du gouvernement polonais.