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(suite de l'artile publié le 30 avril 2008)

Thème 3 : L’Europe et ses citoyens

On a beaucoup reproché au traité constitutionnel de ne pas être suffisamment social. Qu’en est-il du traité de Lisbonne ?

L’Union européenne comme Communauté humaine et de valeurs [1]

Alors que pour la Convention, il était fondamental que le citoyen se reconnaisse dans ce projet et avait donc conçu une sorte de Pacte européen des citoyens de l’Europe unie et élargie repris par la CIG de 2004 : L’Union européenne y était définie comme une Union des citoyennes et citoyens et des États d’Europe. En effet, l’article I. 1 alinéa 1 du traité établissant une Constitution établissait « Inspirée par la volonté des citoyens et des États d’Europe de bâtir leur avenir commun… ». Ainsi, la double filiation de l’Union européenne était établie : les citoyens, les peuples et les États. De tout cela, il ne subsiste rien si ce n’est la référence à la citoyenneté européenne[2] et au fait que les citoyens européens sont représentés par le Parlement européen.

Pour la première fois dans l’histoire de l’Union, les valeurs de justice, de solidarité et d’égalité notamment entre les hommes et les femmes, de non-discrimination et des droits des personnes appartenant à des minorités sont mentionnées de façon explicite. Cette référence aux valeurs fondatrices n’est pas seulement déclaratoire mais à une dimension opérationnelle notamment en cas de non respect, de violation (article 7 du traité sur l’Union européenne, Titre II relatif à la suspension des droits résultant de l’appartenance à l’Union européenne).

Les objectifs de l’Union incluent, entre autres, le développement durable en précisant que celui-ci se fonde sur « une économie sociale de marché visant le plein emploi et le progrès social », tout comme la promotion d’autres objectifs sociaux : justice, égalité, protection sociale, solidarité entre les générations…Les Services d’intérêt général (SIG) n’y figurent pas mais leur base juridique a été renforcée dans le sens d’une action européenne (article 14 du titre II du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne)[3]. Un protocole sur les services d’intérêt général a été ajouté. A la demande de la BCE et des ministres de l’Économie et des finances, « la stabilité des prix » a été ajoutée à côté d’« une croissance économique équilibrée ». Il n’est plus fait référence à un concurrence libre et non faussée. En revanche, un protocole sur le marché intérieur et la concurrence a été ajouté.

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, déjà proclamée, à Nice en décembre 2000, certes en catimini grâce au Royaume-Uni. La pierre angulaire de ce Pacte européen des citoyens de l’Union européenne élargie reposait donc sur l’intégration de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans la Constitution dans sa partie II. Cette partie avait été l’enjeu de débats et de cristallisations notamment pour le Royaume-Uni farouchement hostile à son intégration et à lui conférer une quelconque valeur juridique. Des concessions lui avaient été faîtes notamment la référence aux commentaires joints élaborés par le secrétariat du praesidium de la Convention chargée d’élaborer la Charte tels que modifiés par la Convention sur l’avenir de l’Union européenne. L’essentiel à retenir est que cet ajout ne modifie en rien la valeur juridique de la Charte. Donc, finalement, la Charte est évoquée dans le traité sur l’Union européenne au titre I consacrée aux dispositions générales, à article 6. Elle devrait être proclamée solennellement par les trois institutions de l’Union européenne et être publiée très rapidement dans la série législative des Journaux officiels de l’Union européenne.

Il est adjoint un protocole n°7 concernant la clause d’exclusion du Royaume Uni et de la Pologne vis-à-vis de la Charte. Le nouveau gouvernement polonais pourrait vouloir revenir sur cette orientation.

Ceci revient à reconnaître qu’il existe deux catégories de citoyens dans l’Union européenne.

Le texte prévoit aussi que « l’Union adhère à la CEDH (…) ». Toutefois, conformément à l’article 188 N § 8, l’accord sur l’adhésion à la CEDH sera conclu par le Conseil statuant à l’unanimité et moyennant la ratification des États-membres. Cela relativise la perspective d’une telle adhésion.

 

La citoyenneté européenne y est reprise. Elle figure dans le traité sur l’Union européenne (titre II, article 8) ainsi qu’à l’article 17 ter du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. « Est citoyen de l’Union toute personne ayant une nationalité d’un État-membre ».

 L’initiative citoyenne a été reprise dans le traité sur l’Union européenne à l’article 8B alinéa 4 du titre II consacré aux principes démocratiques. Elle est organisée puisque la Commission pourra, si un million de citoyens issus d’un nombre significatif d’États-membres [4] l’estime nécessaire, être invitée à déposer une proposition d’acte juridique.

 
D’autres évolutions positives permettent de rapprocher le citoyen de l’Europe.

 

Pour un renouvellement du contrat de progrès économique et social

 
Quelques progrès en matière sociale

 Le texte du traité sur l’Union européenne au titre II consacre les principes d’égalité démocratique et de la démocratie représentative et participative. La vie associative et la liberté d’échanger des opinions sur tous les domaines d’action de l’Union sont garanties. Il est prévu un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile et les organisations religieuses. Il consacre le statut des « consultations » menées par la Commission des partenaires sociaux, des églises, du médiateur européen.

Dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, au titre IX « politique sociale » figurent la reconnaissance du rôle des partenaires sociaux et du dialogue social européen dans le respect de leur autonomie [5]. C’est un résultat positif (si l’on mesure le chemin parcouru pour l’obtenir…) qui aidera au développement d’un système européen de relations sociales. C’était l’une des revendications essentielles de la Confédération européenne des syndicats (CES) qu’elle a portée sans relâche jusqu’à son obtention. Il est aussi reconnu que « le Sommet social tripartite pour la croissance et l’emploi contribue au dialogue social ».

Une clause sociale dite « horizontale » est instaurée en début de traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « Dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l’Union prend en compte les exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine ». Elle peut laisser perplexe essentiellement car elle ne signifie pas une mise en cohérence. En effet, la clause horizontale fait référence à un «niveau d’emploi élevé» et non au « plein emploi » tel que mentionné à l’article 3 du traité sur l’Union européenne et à l’article 127 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou encore à une «protection sociale adéquate » contre la seule mention de la protection sociale (article 3 du traité sur l’Union européenne) et « niveau élevé d’éducation » alors qu’elle n’est pas mentionné dans les objectifs.

Cette clause est importante en ce que toutes les politiques de l’Union européenne et les décisions qui en découlent devront en tenir compte. Il en va de même vis-à-vis de toute discrimination.

Fin de la conférence :

Pour finir et pour résumer : Pourquoi ce Traité, à quoi sert-il, quel est son objectif ?

Avec la chute du mur de Berlin, les événements du 11 septembre 2001, la mondialisation, c’est tout l’environnement de l’Union qui change. Le traité de Nice est le dernier traité de cette ère là. Les changements concernent aussi l’interne avec le vieillissement démocratique, le chômage persistant (pour certains). Les réponses à ces changements ne manquent pas comme la stratégie européenne de Lisbonne pour une Europe de la connaissance avant qu’elle ne soit rebaptisée stratégie européenne pour la croissance et l’emploi sensée parler davantage aux citoyens européens. Puis, c’est le doute qui s’empare des Européens. A une adhésion implicite au projet européen succède une adhésion critique dont l’expression ultime ont été les deux NON aux référenda français et néerlandais et le récent vote négatif en Irlande.

Pour D. Reynié, c’est la fin du tryptique fondateur : Paix, démocratie et prospérité dont les promesses ont été tenues. Il convient de ne pas oublier l’acquis.

Depuis la mondialisation, c’est la refondation du projet européen qui est à discuter. Ce que demande les Européen, c’est que l’Europe organise la résistance face à la mondialisation, se défende et réussisse la mondialisation. Le nouveau traité est-il cette refondation attendue, de même les débats qui s’ouvrent sur le budget, les priorités des politiques de l’Union (PAC) mais aussi le Comité des Sages…


ANNEXES :

Répartition des sièges au Parlement européen

Pays

Sièges actuels

Traite de Nice

Nouvelle réforme

Allemagne

99

96

96

France

78

72

74

Royaume-Uni

78

72

73

Italie

78

72

73

Espagne

54

50

54

Pologne

54

50

51

Roumanie

35

33

33

Pays-Bas

27

25

26

Grèce

24

22

22

Portugal

24

22

22

Belgique

24

22

22

Hongrie

24

22

22

R.Tchèque

24

22

22

Suède

19

18

20

Autriche

18

17

19

Bulgarie

18

17

18

Danemark

14

13

13

Slovaquie

14

13

13

Finlande

14

13

13

Irlande

13

12

12

Lituanie

13

12

12

Lettonie

9

8

9

Slovénie

7

7

8

Estonie

6

6

6

Chypre

6

6

6

Luxembourg

6

6

6

Malte

6

6

6

Total

785

736

750



[1] Cf L’appel du président de la Convention aux responsables politiques européens « Les citoyens disent oui à notre Constitution ne leur répondez pas non ».

* Résultat du sondage réalisé par la Commission européenne par Taylor Nelson SOFRES/EOS Gallup entre les 23 et 29 juin auprès de plus de 25 000 citoyens représentant chaque pays de l’Union élargie :

55% des citoyens de l’Union européenne n’ont jamais entendu parler de la Convention sur l’avenir de l’Europe ;

68% sont favorables à une Constitution européenne  et 83% à un référendum

[2] La citoyenneté européenne a été introduite par le traité de Maastricht.

[3] Un protocole n°9 sur les services d’intérêt général est adjoint au traité modificatif.

[4] La loi européenne établira le minimum d’États-membres requis.

[5] Les accords-cadres européens sont désormais considérés comme des actes non législatifs (règlement ou décision européenne). Ceci permet à la fois  la seule consultation du Parlement européen et aussi de limiter les recours éventuels concernant la représentativité des partenaires sociaux européens (article III-106 (2)). ?

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