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Devant le congrès de la Confédération Européenne des Syndicats (CES/ETUC), à Stockholm, le 12 mai 1988, Jacques Delors, président de la Commission européenne, annonce trois initiatives pour « une relance politique » de l’Europe. Parmi celles-ci, il propose une Charte sociale européenne : « Pourquoi, par exemple, comme cela a été suggéré par la Présidence Belge et prévue dans le programme social de la CES/ETUC, la Communauté européenne n’adopterait-elle pas un « socle » de droits sociaux garantis qui s’inspirerait de la charte sociale européenne (celle du Conseil de l’Europe)". Ce « socle » pourrait-être négocié par les partenaires sociaux et traduit ensuite en législation communautaire. Il servirait de base au dialogue social et au renforcement de la cohésion sociale européenne. Il aurait un caractère obligatoire. »

 


En novembre 1988, Jacques Delors, président de la Commission européenne, saisit le Comité Economique et Social Européen (CESE) pour que celui élabore un avis sur les conditions qui permettraient de se doter d’une Charte des droits sociaux fondamentaux. La préparation de cet avis durera jusqu’au 22 février 1989. A l’issue de débats très tendus, l’avis fût adopté par une large majorité des membres du CESE par 135 voix pour et 22 contre.


Sur la base de cet avis, la Commission européenne a proposé au Conseil européen du 9 décembre 1989 à Strasbourg - sous Présidence française – une Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux. Cette proposition fut adoptée par 11 chefs d’Etats et de gouvernements sur 12 (Mme Thatcher a refusé d’adopter cette proposition). Cette adoption a été un acte politique sans conséquence d’application juridique. Elle fut suivie par l’élaboration d’un programme d’action sociale de 47 propositions qui allait relancer la politique sociale législative. Il faudra attendre l’arrivée de Tony Blair pour que ce texte soit adopté par le Royaume Uni en 1998.


Que de débats, que de tergiversations, que d’actions collectives de la société civile, que de textes, que d’implications institutionnelles : Commission européenne, Parlement européen, Conseil européen, Comité Economique et Social Européen n’a-t-il pas fallu entreprendre pour aboutir à la réalisation de cet objectif : doter l’Union européenne d’une Charte sociale européenne permettant une base de droits garantis pour tous, illustrant ainsi les valeurs européennes de démocratie, de liberté, de solidarité et de droits. Un plus pour que les citoyens des Etats membres de l’Union européenne les moins avancés en matière de droits puissent avoir une possibilité de se doter de ces mêmes droits existants déjà dans d’autres Etats membres. C’est une avancée significative un peu plus de 20 ans après l’annonce de cette proposition. Cette charte fait encore aujourd’hui débat, ce qui prouve bien que son contenu n’est pas neutre.

 

Cette démarche a initié celle qui aboutit à la reconnaissance politique et juridique, de la charte des droits fondamentaux, inscrite dans le traité de Lisbonne.

Le Royaume Uni et la Pologne ont demandé et obtenu, par le protocole n°7  d’être exonérés de l’applicabilité de la charte des droits fondamentaux intégrée dans le traité de Lisbonne devant leurs juridictions nationales. Le Président tchèque, contre son parlement qui a ratifié le traité de Lisbonne, après des tergiversations juridiques au regard de la Constitution tchèque, a invoqué ce dernier argument pour demander que la Tchéquie ne soit pas concernée par la mise en œuvre de la charte de droits fondamentaux ! La République tchèque a obtenu gain de cause lors du dernier Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009.


Certes, le Traité de Lisbonne est maintenant ratifié mais à quel prix. En effet, les citoyens de trois Etats membres ne bénéficieront pas de l’application des droits fondamentaux jusqu’à ce que d’autres gouvernements en Pologne, au Royaume-Uni et en Tchéquie décident de lever cette exonération.


Le lundi 30 novembre 2009 se tiendra de 9h30 à 17h30 une conférence organisée, à Bruxelles, par le CESE en partenariat avec l’Association Notre Europe (1) - fondée en 1996 par Jacques Delors - en plein débat d’actualité sur le même sujet 20 ans après le lancement du projet. Une occasion de marquer cet important évènement en lui donnant des perspectives d’avenir concrètes maintenant qu’enfin la charte des droits fondamentaux est intégrée politiquement et juridiquement dans le traité. Beau et long parcours. A nous tous de la faire appliquer maintenant.


1. www.notre-europe.eu

 

Jean-Pierre Bobichon ancien fonctionnaire à la Commission européenne et conseiller de J. Delors à Notre Europe.



Déclaration à l'occasion du XXème anniversaire de l'adoption de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux (approuvée par les participants et signée par Mario Sepi président du CESE et J. Delors, ancien président de la Commission européenne)

Pour une mondialisation mieux maîtrisée,
Pour que les citoyens de l'Union européenne reprennent confiance dans le projet européen,
Pour tirer les enseignements de la crise financière, économique et sociale actuelle,
Nous demandons à la Commission européenne de proposer un programme d'action sociale qui garantisse que les droits sociaux fondamentaux soient traités à égalité avec les règles de concurrence et les libertés économiques.
Nous demandons au Parlement européen et au Conseil d'adopter ce Programme d'action sociale.
La société civile est appelée, aux niveaux local, régional, national et européen, à signer cette déclaration.
Bruxelles, le 30 novembre 2009.

Cette déclaration pourrait sans doute être à l'origine du 1er exercice du droit d'initative européenne.

 
Tag(s) : #Evénements