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« Il y a quelques mois, souvenez-vous, la situation pour n’être pas pire que celle d’aujourd’hui n’en était pas meilleure non plus »… [1]

« Rien, comme disait R. Devos, ce n’est pas rien.(…) Rien vaut quelque chose »[2], vaut que l’on réagisse.

 

Jusqu’à présent pour tous les candidats ou presque, l’Europe est un non sujet, surtout il convient de ne pas en parler. Pour la classe politique, à quelques exceptions près, l’Europe n’est pas vendeur électoralement. Il est donc préférable de se mettre la tête dans le sable…Or, l’Europe fait partie de notre quotidien. Nous sommes en droit de savoir quelle sera la politique européenne de celle ou celui qui sera élu(e), les engagements clairs pris notamment vis-à-vis du traité constitutionnel européen.

J’aurais pu évoquer les propos de la candidate du Parti communiste français, Marie-Georges Buffet, sur le carcan libéral que représenterait le traité constitutionnel européen (celui que 55% de Français ont rejeté) qui oublie, omet ou passe sous silence qu’il en subsiste un autre celui de Nice qui régit actuellement le fonctionnement de l’Union européenne. Il semble que pour certains responsables politiques la qualification de « libéral » se suffise à elle-même et ainsi si vous me passez l’expression « la messe est dite ». C’est un peu court mais j’aurai sans doute l’occasion d’y revenir.

J’aurais pu aussi évoquer les propos du candidat de l’UMP, Nicolas Sarkosy, s’exprimant sur la recherche sans jamais évoquer que l’enjeu de la recherche se mesure à l’échelle de l’Europe mais j’aurai sans doute l’occasion d’y revenir. Il conviendrait juste que la France respecte les engagements pris dans le cadre de la stratégie de Lisbonne et porte son effort dans la recherche à hauteur des 3% du PIB retenu au niveau européen !

La semaine dernière, la candidate officielle du Parti socialiste, Ségolène Royal, s’est exprimée en qualité d’« Européenne convaincue ». Elle « souhaite que le peuple français soit à nouveau saisi par référendum en 2009 » en même temps que les élections européennes. (…). Elle souhaite qu’ « un volet social, que les droits des travailleurs soient pris en considération dans cette nouvelle Europe », mais « je ne veux pas qu’elle pénalise les pays européens qui se sont déjà prononcés »[3].

La cadrature s’annonce délicate.

Un 1er élément, de nature à nous satisfaire, est destiné à rassurer les Français : la France ne s’engagera pas autrement que sur la base d’un référendum et non d’un vote parlementaire (N’en déplaise à B. Guetta (France Inter) lors de sa chronique de jeudi 18 novembre, tous les deux sont l’expression du suffrage universel). Le peuple ne sera pas dessaisi et c’est donc lui qu’il va s’agir de convaincre.

Pour ce faire, elle évoque un nouveau volet social sous entendu à définir avec les autres partenaires européens. Car, il ne vous aura pas échappé que la France ne peut rien toute seule. Qu’adviendra-t-il de ceux qui ont déjà approuvé le projet de traité constitutionnel et plus encore de ceux qui ne se sont pas encore prononcés, qui se cachent derrière les votes négatifs de la France et des Pays-Bas, deux pays fondateurs, comme le Royaume-Uni ou la Pologne et qui n’aspirent pas vraiment à davantage de social… ? Cette aspiration de la candidate en rencontre une autre exprimée par la Chancelière allemande, qui préside l’Union européenne pour les 6 prochains mois[4], d’adopter, le 25 mars 2007, jour anniversaire du traité de Rome, un texte rassembleur ou refondateur où le modèle social européen figurerait en bonne place.

Il serait sans doute intéressant de revenir, car le débat sur le référendum est loin et moins passionné ou peut-être pas, sur quelques avancées sociales figurant dans le projet de traité constitutionnel européen.

Les avancées sociales du projet de traité constitutionnel européen

Sait-on que le projet de traité constitutionnel réaffirme qu’au-delà d’un grand marché unique et de l’intégration monétaire réussie, l’Union européenne est une communauté humaine et de valeurs avant toute chose. Elle est définie comme « une Union des citoyennes et des citoyens  et des États d’Europe ». C’est le contenu du tout premier article de la toute première partie…

Autre point qui alimente les craintes des citoyens, la prolifération des candidatures à l’adhésion et les nouvelles adhésions : les critères de Copenhague fixent les conditions à remplir pour l’adhésion à l’Union européenne et se réfèrent, essentiellement, à la démocratie, l’État de droit, le respect des droits de l’Homme et, aussi, à l’économie de marché. Ils ont été complétés par le débat récent lors du Conseil européen de décembre 2006 par la capacité d’absorption de l’Union qui devra être prise en compte. Il convient d’ajouter, que dans le traité constitutionnel, pour la 1er fois dans l’histoire de la construction européenne, les valeurs de justice, de solidarité et d’égalité notamment entre les hommes et les femmes, de non-discrimination et des droits des personnes appartenant à des minorités sont mentionnés de façon explicite. Ça veut dire quoi, ça implique quoi, concrètement ? Le non respect de ces valeurs fondamentales comme la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, État de droit, droits de l’Homme y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, pourraient engager la procédure de suspension de certains des droits résultant de l’appartenance à l’Union comme le droit de vote au Conseil…Voilà un beau domaine d’action pour les enfants de Don Quichotte…

De même, figure désormais dans les objectifs, le développement durable fondé sur « une économie sociale de marché visant le plein emploi et le progrès social ». C’est pas rien plutôt que de rabâcher sans cesse la référence présente, depuis 1957, à une concurrence libre et non faussée.

Mais, sans doute le plus parlant, est-ce la charte des droits fondamentaux de l’Union (2ème partie du projet de traité constitutionnel européen) ?

Petit rappel : L’Union européenne dispose d’une charte des droits sociaux fondamentaux adoptée, en 1989, sous présidence française et c’est sur cette référence que la directive sur le Comité d’entreprise européen a été adoptée et appliquée lors de l’annonce brutale de la fermeture et de la suppression de près de 3000 postes de travail, en février 1997, à Renault Vilvoorde…Certes, ce texte n’a pas permis d’annuler les licenciements ni la fermeture de l’usine, mais il a permis que la procédure de consultation et d’information des représentants du personnel soient  respectées et un plan mise en œuvre…

L’Union européenne s’est dotée, en décembre 2000, à Nice, sous présidence française, d’une charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, texte de référence politique, sans valeur juridique.

En l’incluant dans le projet de traité constitutionnel européen, la citoyenne ou le citoyen voire, toute personne c’est-à-dire un ressortissant d’un Etat-tiers ou encore un simple passager en transit en Europe, peut faire valoir ses droits notamment sociaux fondamentaux sur les libertés fondamentales et les règles de concurrence.

Par exemple : le titre IV « Solidarité » consacre un certain nombre de droits sociaux comme le droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de entreprises. Cette disposition existe déjà dans la charte sociale révisée du Conseil de l’Europe mais aussi dans la charte des droits sociaux fondamentaux de 1989. L’acquis de l’Union dans ce domaine est important : articles III-105 et 106 du traité constitutionnel européen, directives 2002/14/CE (cadre général relatif à l’information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, 2001/23/CE (transferts d’entreprise) et 98/59/CE (licenciements collectifs) et 94/45/CE (comité d’entreprise européen).

Donc, envisager un nouveau volet social, on ne peut que s’en féliciter mais il conviendrait aussi de faire connaître l’existant méconnu par l’ensemble des citoyens : comme « la clause sociale horizontale » qui figure en début de 3ème partie du traité constitutionnel tellement vilipendée comme le cheval de Troie de la mondialisation ou encore « la clause de non régression » dans tous les textes sociaux. De plus, il est important de rappeler que l’Union exerce les compétences qui lui sont attribuées par les Etats-membres dont la France via son gouvernement (le principe d’attribution de compétences).

En matière sociale, la compétence reste essentiellement dévolue aux Etats-membres.

Dans le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe, la politique sociale fait partie des compétences partagées entre l’Union européenne et les Etats-membres. Le prochain gouvernement français qui résultera à la fois de l’élection présidentielle et des élections législatives est-il prêt à concéder davantage de pouvoir à l’Union européenne en matière sociale ? Nous aimerions que les candidats nous éclairent sur leurs intentions.

 


[1] Raymonde Devos : Parler pour ne rien dire

 

[2] Cf note n°1

 

[3] Ils sont déjà 18 sur 27 à avoir ratifié le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe. Qui se réuniront le 26 janvier à Madrid à l’initiative des gouvernements espagnol et luxembourgeois .

 

[4] La présidence de l’Union européenne s’exerce pour une durée de 6 mois. Les prochaines présidences sont celles du Portugal et de la Slovénie. La France présidera aux destinées de l’Union européenne au 2ème semestre 2008.

 

 

Tag(s) : #L'europe au quotidien