Dans le cadre des activités de l'Europe à la Une, Marie-Jo Fleury a animé le débat organisé par le Mouvement européen France de Cabourg et consacré à l'actualité européenne centrée sur le nouveau traité réformateur à Varaville, le vendredi 26 octobre 2007.
Vous pouvez retrouver les commentaires et l'analyse du nouveau traité réformateur dans la rubrique "Projet de traité réformateur".
Extrait de mon intervention :
Présentation synthétique du projet de traité modificatif : traité sur l’Union européenne et traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
L’enjeu du préambule résidait dans la place dévolue à l’héritage religieux qui avait divisé les Conventionnels et les Etats-membres. La référence à la religion chrétienne et à aucune en particulier n’y figure pas. Il en subsiste ce paragraphe : « S’inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la démocratie, l’égalité, la liberté et l’Etat de droit, » incorporé dans le préambule du traité sur l’Union européenne.
L’Union européenne se voit conférer la personnalité juridique unique.
L’Union européenne comme Communauté humaine et de valeurs [1]
L’Union européenne y était définie comme une Union des citoyennes et citoyens et des Etats d’Europe. De tout cela, il ne subsiste rien si ce n’est une référence à la citoyenneté européenne et, au fait que le citoyen européen est représenté par le Parlement européen.
Pour la première fois dans l’histoire de l’Union, les valeurs de justice, de solidarité et d’égalité notamment entre les hommes et les femmes, de non-discrimination et des droits des personnes appartenant à des minorités sont mentionnés de façon explicite.
Les objectifs de l’Union incluent, entre autres, le développement durable en précisant que celui-ci se fonde sur « une économie sociale de marché visant le plein emploi et le progrès social », tout comme la promotion d’autres objectifs sociaux : justice, égalité, protection sociale, solidarité entre les générations…Les Services d’intérêt général (SIG) n’y figurent pas mais leur base juridique a été renforcée dans le sens d’une action européenne ainsi qu’un protocole. A la demande de la BCE et des ministres de l’Economie et des finances, « la stabilité des prix » a été ajoutée à côté d’ « une croissance économique équilibrée ».
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, déjà proclamée, acquiert une valeur juridique contraignante. Elle est inscrite dans le traité sur l’Union européenne et sera publiée prochainement aux Journaux Officiels de l’Union européenne. L’essentiel à retenir est que les ajouts apportés ne modifient en rien la valeur juridique de la Charte. Le texte prévoit aussi que « l’Union adhère à la CEDH (…) ». Mais les conditions de ratification à l’unanimité relativise cette perspective.
La citoyenneté européenne y est reprise. L’initiative citoyenne est organisée puisque la Commission pourra, si un million de citoyens issus d’un nombre significatif d’Etats-membres l’estime nécessaire, être invitée à déposer une proposition d’acte juridique.
« Des signes de l’Union » : le drapeau, l’hymne officiel, la monnaie et la journée de l’Europe ont été effacés. Il ne subsiste que l’euro.
D’autres évolutions positives permettent de rapprocher le citoyen de l’Europe.
Pour un renouvellement du contrat de progrès économique et social
Quelques progrès en matière sociale
Le texte consacre les principes d’égalité démocratique et de la démocratie représentative et participative. La vie associative et la liberté d’échanger des opinions sur tous les domaines d’action de l’Union sont garanties.
Les autres acquis très importants pour le mouvement syndical résident dans la reconnaissance du rôle des partenaires sociaux et du dialogue social européen dans le respect de leur autonomie[2]. C’est un résultat positif (si l’on mesure le chemin parcouru pour l’obtenir…) qui aidera au développement d’un système européen de relations sociales. C’était l’une des revendications essentielles de la CES qu’elle a portée sans relâche jusqu’à son obtention. Il est aussi reconnu que « le Sommet social tripartite pour la croissance et l’emploi contribue au dialogue social ». De plus, une clause sociale dite « horizontale » est instaurée en début de traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
La gouvernance économique insuffisante et insatisfaisante
Le projet de traité ne fait qu’entériner un système économique de « pseudo coordination » qui a bien montré ses limites ces derniers temps. Elle ne constitue pas une avancée en terme de gouvernance économique.
Un rôle particulier pour les Etats-membres de l’€urogroupe est reconnu. Un protocole concernant l’€urogroupe est ajouté en annexe au traité.
Le statut de la Banque centrale européenne (BCE) n’est pas modifié.
La nécessité d’une coordination des politiques économiques, de l’emploi qui inclut la coordination des politiques sociales est confirmée.
Une Europe plus démocratique : des progrès clairs
Une meilleure répartition des compétences entre l’Union et les Etats-membres
A la demande de clarification et de simplification du système européen, répond une définition claire et stable de la répartition des compétences, inscrite dans le traité. Ceci répond à l’aspiration de ne pas voir s’accroître les compétences de l’Union, de façon clandestine. En même temps, la clause de flexibilité ou d’extension des compétences est maintenue. Il convient de retenir que les catégories de compétences restent quasiment inchangées : exclusives, partagées et enfin actions d’appui, de coordination ou de complément. Le contenu des compétences exclusives ne change pas. La santé figure désormais à la fois dans les compétences partagées (les enjeux communs de sécurité en matière de santé publique) et complémentaires (la santé humaine). Le sport, le tourisme et la coopération administrative figurent désormais dans les compétences d’appui.
Des articles spécifiques sont consacrés à la PESC et à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Une référence a été introduite à la méthode ouverte de coordination (l’expression n’est pas reprise en tant que telle) dans les articles relatifs à la politique sociale, la recherche, la santé publique et l’industrie.
La simplification des processus décisionnels
Le traité simplifie la prise de décision par :
Ø la généralisation de la codécision devenue procédure législative ordinaire. (Dans à peu près 95% des cas contre 75% avec le traité de Nice).
Ø les instruments juridiques ramenés à 6 catégories d’après l’ancienne termnologie.
Ø la définition du vote à la majorité qualifiée au Conseil redéfini et étendu [3] : la majorité qualifiée est de 55% des Etats-membres représentant 65% de la population de l’Union. Cette majorité devra aussi correspondre à 15 Etats-membres. Cependant, la majorité qualifiée est aussi atteinte si les votes négatifs proviennent de moins de 4 Etats-membres. Les abstentions ne sont pas prises en compte dans le calcul. Ces dispositions sur le vote à la majorité qualifiée prendront effet au 1er novembre 2014 pour la minorité de blocage.
L’unanimité est maintenue entre autres :
* en matière sociale[4] : certains aspects de la protection sociale [5], la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail, la représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs, y compris la cogestion ;
* la fiscalité ;
*les finances (ressources propres) et cadre financier pluriannuel[6] ;
* la négociation et la conclusion d’accords dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels « lorsque ceux-ci risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union » et aussi dans le domaine du commerce des services sociaux, d’éducation et de santé, « lorsque ceux-ci risquent de perturber gravement l’organisation de ces services au niveau national et de porter atteinte à la compétence des Etats-membres pour la fourniture de ces services » ;
* les mesures nécessaires pour combattre toute discrimination.
Des nouveautés sont introduites comme :
Ø la clause passerelle ou évolutive permettant aux Etats-membres de décider, à l’unanimité, de passer au vote à la majorité qualifiée et aussi d’étendre la codécision à des domaines, jusque là non couverts [7].
Ø la procédure dite du « frein d’urgence » dans le cadre d’un vote à la majorité qualifiée : un Etat-membre s’estimant pénalisé peut demander l’arbitrage du Conseil européen qui peut décider dans un délai de 4 mois de :
- renvoyer le projet au Conseil, ce qui met fin à la suspension de la procédure ;
- demander à la Commission de soumettre un nouveau projet, l’acte initialement proposé étant réputé non adopté.
La procédure de révision du traité consacre la Convention. Une procédure de révision simplifiée permet de revoir les seules dispositions sur les politiques internes. Ces procédures de révision se distinguent des Constitutions nationales modifiables à la majorité surqualifiée.
Les coopération renforcées sont envisagées et leurs règles assouplies. Toutefois, elles sont exclues dans le domaine militaire ou de défense (cf coopération structurée permanente).
Des institutions plus stables, démocratiques et efficaces
Le cadre institutionnel, reflet de la double nature de l’Union européenne, est préservé : le Parlement européen, le Conseil européen, le Conseil des ministres, la Commission européenne, la Cour de justice. Le renforcement du Conseil et du Parlement pourrait laisser le sentiment que la Commission européenne sort affaiblie de cette réforme. En fait, elle garde des prérogatives spécifiques importantes, et son Président sera élu par le Parlement européen. L’équilibre institutionnel est donc globalement maintenu.
L’implication plus grande des parlements européen et nationaux va dans le sens d’une démocratisation plus forte et renforce la légitimité de l’Union vis-à-vis des citoyens européens. Le Parlement européen est désormais colégislateur donc codécideur à égalité avec le Conseil des ministres. L’instauration d’une présidence stable du Conseil européen (chairman élu pour deux ans et demi renouvelable une fois), ira aussi dans le sens d’une meilleure visibilité. Elle comporte le risque de marginalisation pointé par le président de la Commission européenne, M. Barroso et J. Delors. Pour le Conseil des ministres : le Conseil siège en public lorsqu’il délibère et vote sur un projet d’acte législatif. La Commission européenne : à partir de 2014, la Commission comprendra un nombre de membres, y compris son président et le ministre des affaires étrangères de l’Union européenne, correspondant aux 2/3 du nombre des Etats-membres.
Une Europe capable d’agir au plan mondial : un embryon de progrès
Le projet amène quelques premiers éléments en matière de politique de la défense et de politique extérieure. Les principes vont dans le bon sens. Ils restent cependant assujettis à la volonté politique des Etats-membres quant à leur mise en œuvre effective. De surcroît, le vote à l’unanimité est maintenu dans ces domaines, même si des dérogations sont aménagées. Le projet de traité a prévu ce dont l’Union a besoin pour le moment c’est-à-dire les instruments pour habituer les autorités de nos pays à réfléchir en commun, à ne pas prendre des positions nationales isolées, à acquérir le « réflexe européen » :
- le Haut représentant des affaires étrangères et de sécurité commune,
- les procédures de vote (avec abstention constructive),
- les cas où la majorité qualifiée est admise, les mécanismes pour y surseoir, la faculté d’en élargir le champ.
L’instauration d’un Haut représentant des affaires étrangères crée l’organe d’une politique étrangère commune. Il sera doté d’un service européen de l’action extérieure. La représentation extérieure de la zone €uro est évoquée sans que la représentation physique dans le système international soit tranchée.
Autres actualités européennes :
Les débats qui n’attendront pas le nouveau traité sont significatifs :
- le financement de l’Union,
- l’avenir de l’agriculture européenne
- le marché unique européen, son identité et le principe de préférence communautaire
- le renforcement institutionnel et politique de la zone euro (coordination économique et budgétaire, représentation extérieure de l’euro)
- les frontières de l’Union.
[1] Cf L’appel du président de la Convention aux responsables politiques européens « Les citoyens disent oui à notre Constitution ne leur répondez pas non ».
* Résultat du sondage réalisé par la Commission européenne par Taylor Nelson SOFRES/EOS Gallup entre les 23 et 29 juin auprès de plus de 25 000 citoyens représentant chaque pays de l’Union élargie :
55% des citoyens de l’Union européenne n’ont jamais entendu parler de la Convention sur l’avenir de l’Europe ;
68% sont favorables à une Constitution européenne et 83% à un référendum
[2] Les accords-cadres européens sont désormais considérés comme des actes non législatifs (règlement ou décision européenne). Ceci permet à la fois la seule consultation du Parlement européen et aussi de limiter les recours éventuels concernant la représentativité des partenaires sociaux européens (article III-106 (2)).
[3] Le vote à la majorité qualifiée tel que défini dans le traité de Nice requiert une majorité d’Etats, de voix et 62% de la population européenne. Cette définition continue à s’appliquer jusqu’en 2009 date à laquelle la nouvelle formule du traité constitutionnel devrait s’appliquer s’il est en vigueur.
[4] Le projet de traité maintient le vote à la majorité qualifiée en matière de sécurité sociale des travailleurs migrants (ex article 42 TCE), la possibilité pour un Etat-membre de s’opposer à un projet et demander l’arbitrage du Conseil européen (frein d’urgence) est maintenue.
[5] Les prescriptions minimales en matière de modernisation des systèmes de protection sociale.
[6] La CIG a inscrit l’unanimité non seulement pour le plafond des ressources propres mais aussi pour les modalités. Pour le cadre financier pluriannuel, la CIG maintient l’unanimité avec la possibilité de recourir à la « clause passerelle ».
[7] Pour l’ensemble des dispositions de la Partie III (politiques européennes)
Voici ce que la presse locale en à relater :
Un dîner-débat avec l'association du Mouvement européen France
N. Mabire présidente du Mouvement européen ne cachait pas sa satisfaction vendredi 26 octobre dernier, devant le succès de son dîner-débat organisé dans la salle des fêtes.
Marie-Jo Fleury, collaboratrice de J. Delors et fondatrice de l'Europe à la Une a animé la soirée en présentant les actualités européennes de toutes natures. Ce débat fut bien évidemment nourri par l'actualité récente avec l'approbation du traité simplifié dont l'objectif est de "relancer l'Europe" comme l'a déclaré JP Lepoittevin, le maire, J. Porcq, président de la Communauté de communes de l'estuaire de la Dives (CCED) a reconnu le caractère "passionnant" du sujet et a félicité l'association du Mouvement européen pour son action. Il a également rappelé l'urgence d'une entente commune en précisant "Nous sommes sur les rails et il faut en profiter car le monde n'attend pas".
N. Mabire a profité de la manifestation pour annoncer le prochain débat qui se déroulera le samedi 29 mars 2008 dans la salle des fêtes de Cabourg. Cette rencontre sera suivie par la Célébration du 60 ème anniversaire du Congrès de la Haye du 7 au 10 mai 2008.
(D'après l'article paru dans Ouest-France le Lundi 29 octobre 2007)
Vous pourrez consulter sur le site du Mouvement-européen France l'argumentaire concernant le traité réformateur :
http://www.mouvement-europeen.org/pdf/argumentaire_traite.pdf
L'association Notre Europe, fondée par J. Delors, a mis en ligne son analyse du nouveau traité réformateur :