De même, la majorité qualifiée se substitue à l’unanimité dans de nombreux domaines. Lesquels ? Quels sont les domaines pour lesquels l’unanimité reste la règle ?
L’unanimité est maintenue entre autres :
* en matière sociale[1] : certains aspects de la protection sociale[2], la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail, la représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs, y compris la cogestion ;
* la fiscalité ;
*les finances (ressources propres) et cadre financier pluriannuel[3] ;
* le droit de vote aux élections municipales et européennes ;
* les mesures environnementales votées actuellement à l’unanimité ;
* la négociation et la conclusion d’accords dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels « lorsque ceux-ci risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union » et aussi dans le domaine du commerce des services sociaux, d’éducation et de santé, « lorsque ceux-ci risquent de perturber gravement l’organisation de ces services au niveau national et de porter atteinte à la compétence des États-membres pour la fourniture de ces services » ;
* les mesures nécessaires pour combattre toute discrimination.
La nouveauté réside dans une clause passerelle ou évolutive (article 33 du traité sur l’Union européenne) permettant aux États-membres de décider, à l’unanimité, de passer au vote à la majorité qualifiée et/ou d’étendre la codécision à des domaines jusque là non couverts[4] .
Une procédure dite du « frein d’urgence » est instaurée dans le cadre d’un vote à la majorité qualifiée. Il s’agit de la possibilité pour un État-membre s’estimant pénalisé de s’opposer à un projet et de demander l’arbitrage du Conseil européen. Son utilisation signifie la suspension de la procédure. Dès lors, le Conseil européen dispose d’un délai de 4 mois pour :
- soit renvoyer le projet au Conseil, ce qui met fin à la suspension de la procédure ;
- soit demander à la Commission de soumettre un nouveau projet, l’acte initialement proposé étant réputé non adopté.
Le Parlement européen :
Brigitte Fouré répondra le plus souvent. Une question vous sera posé concernant les parlements nationaux : il faut dire aussi que les parlements nationaux auront un rôle à jouer dans les prises de décisions européennes. J’ai notamment entendu parler d’un mécanisme d’alerte précoce… ?
Les principes de subsidiarité et de proportionnalité ont donné lieu à un protocole concernant leur application et leur contrôle notamment et surtout par les parlements nationaux. Ceux-ci seront en mesure d’alerter publiquement les institutions européennes, mais aussi leur propre gouvernement, sur toute proposition qui ne leur paraîtrait pas respecter le respect du principe de subsidiarité.
Le délai pour examiner les projets d’actes législatifs communautaire et donner un avis sur le principe de passe de 6 à 8 semaines.
Le traité prévoit un mécanisme de contrôle renforcé du respect du principe de subsidiarité, permettant aux parlements nationaux de faire échouer des propositions de la Commission qui ne le respecteraient pas. Il faudrait pour cela qu’une majorité des parlements présente un avis motivé au législateur européen (Conseil et Parlement) et obtienne le soutien de 55 % des États-membres et/ou d’une majorité d’eurodéputés.
Ils se verront conférer le pouvoir de saisir en fin de procédure, la Cour de Justice de l’Union européenne.
Toutefois, ce nouveau rôle ne permet pas aux assemblées nationales de disposer d’un pouvoir de blocage des propositions législatives de la Commission (article 8 TUE + protocole 1 & 2).
De même, en matière d’admission de nouveaux États-membres, les parlements nationaux sont informés de toute nouvelle demande. (en France, le secrétaire d’État JP Jouyet lors de son audition devant le Comité E. Balladur sur la réforme des institutions s’est prononcé en faveur de la suppression de l’article 88-5 de la Constitution française relatif à la consultation systématique par référendum du peuple français sur toute nouvelle adhésion).
La Commission européenne :
Le traité de Lisbonne prévoit-il des changements pour la Commission européenne ?
La Commission s’inscrit dans un « triangle institutionnel » comprenant le Parlement européen, qui est la voix des peuples de l’Union, le Conseil de l’Union, qui est la voix des gouvernements des États membres, et la Commission, qui est la voix de l’intérêt supranational de l’Europe.
Créée par le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne (1957), son fonctionnement et sa structure s’inspirent de la Haute Autorité (CECA, 1951.
Définition
La Commission européenne remplit, au sein de l’Union européenne quatre fonctions essentielles :
• elle applique le droit européen : la Commission joue le rôle de « gardienne » des traités. Elle doit veiller avec la Cour de justice à ce que le droit européen soit appliqué correctement dans tous les États membres;
• elle gère et applique les politiques et le budget de l’Union européenne : en tant qu’organe exécutif de l’UE, la Commission est chargée de la gestion et de l’application du budget de l’UE (sous l’oeil attentif de la Cour des Comptes) et des politiques (notamment la politique de la concurrence) et programmes (en particulier Intereg et Urban adoptés par le Parlement et le Conseil).
• Elle soumet des propositions au Parlement et au Conseil : la Commission est investie d’un droit d’initiative. Elle est seule responsable de l’élaboration des propositions de nouveaux actes législatifs européens qu’elle soumet au Parlement et au Conseil. Elle est le « moteur » de la politique européenne.
Elle représente l’Union européenne sur la scène internationale, par exemple en négociant des accords entre l’UE et d’autres pays.
Ces missions font de la Commission la représentante des intérêts supranationaux de l’Union.
Composition
Sur le plan de sa composition, la Commission est un collège rassemblant des commissaires choisis en raison de leur compétence générale et offrant toutes garanties d’indépendance. Selon le traité, ceux-ci « exercent leurs fonctions en pleine indépendance, dans l’intérêt général de l’Union européenne. Dans l’accomplissement de leurs devoirs, ils ne sollicitent ni n’acceptent d’instruction d’aucun gouvernement ni d’aucun organisme. Ils s’abstiennent de tout acte incompatible avec le caractère de leurs fonctions. Chaque État membre s’engage à respecter ce caractère et à ne pas chercher à influencer les membres de la Commission dans l’exécution de leur tâche. Les membres de la Commission ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, exercer aucune autre activité professionnelle, rémunérée ou non. Ils prennent, lors de leur installation, l’engagement solennel de respecter, pendant la durée de leurs fonctions et après la cessation de celles-ci, les obligations découlant de leur charge, notamment les devoirs d’honnêteté et de délicatesse quant à l’acceptation, après cette cessation, de certaines fonctions ou de certains avantages. »
Les membres de la Commission sont nommés pour une durée de cinq ans, renouvelable (depuis 1994, le mandat des commissaires européens est aligné sur celui des parlementaires européens). Le Conseil réuni au niveau des chefs d’États ou gouvernements désigne d’un commun accord, la personnalité qu’ils envisagent de nommer président de la Commission.
Depuis le traité de Nice signé en février 2001, la désignation de ce président se fait à la majorité qualifiée (environ 72 % des voix), et non plus à l’unanimité, comme c’était le cas auparavant. Le Président désigné est approuvé par le Parlement européen.
Ensuite, les gouvernements, d’un commun accord avec le président désigné, adoptent la liste des autres personnalités qu’ils envisagent de nommer membres de la Commission – chaque État membre ayant fait des propositions.
Depuis l’entrée en vigueur du traité de Maastricht (novembre 1993), le président et les autres membres de la Commission sont soumis, en tant que collège, à un vote d’approbation du Parlement européen. Ce n’est qu’après cette investiture que le président et les autres membres de la Commission sont définitivement nommés par les gouvernements des États membres (à la majorité qualifiée). Il faut signaler que seul le Parlement européen peut, en votant une motion de censure, provoquer la démission automatique de la Commission.
Les récents traités ont introduit des changements progressifs importants dans le fonctionnement de la Commission. En particulier, le président du collège a vu son pouvoir renforcé non seulement dans la désignation de ses collègues commissaires, mais également dans l’impulsion politique. Une nouvelle disposition précise en effet que « la Commission remplit sa mission dans le respect des orientations politiques définies par son président, qui décide de son organisation interne afin d’assurer la cohérence, l’efficacité et la collégialité de son action ».
Le traité de Nice, signé en février 2001, a été plus loin en permettant au président d’obtenir la démission de l’un de ses collègues en cas de manquement grave à ses responsabilités. De même, il revient au président de structurer et de distribuer les responsabilités incombant à la Commission entre les commissaires, et il lui est permis de remanier ces responsabilités en cours de mandat (démission de la Commission J. Santer en 1999).
Les contours de la Commission
Jusqu’au 1er mai 2004, elle était composée de 20 commissaires (deux commissaires pour chacun des États membres les plus peuplés et un pour chacun des autres États.
Lorsque les dix nouveaux États membres ont adhéré à l’UE ; le 1er mai 2004, le nombre de commissaires est passé à 30.
A partir du 1er novembre 2004, ce nombre est passé à 25, un par pays puis 27 à l’entrée le 1er janvier 2007 de la Bulgarie et la Roumanie
A ce stade, le Conseil fixera à l’unanimité le nombre maximal de commissaires. Ce nombre devra impérativement être inférieur à 27 et leur nationalité sera déterminée par un système de rotation équitable pour tous les pays (protocole sur l’élargissement).
Ce que prévoit le traité de Lisbonne :
Le projet prévoit une modification du processus de désignation du Président de la Commission. En tenant compte des élections au Parlement européen, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, proposerait un candidat. Celui-ci serait élu par le Parlement européen à la majorité de ses membres soit 376 voix sur 750 membres.
Si le candidat n’est pas élu, le Conseil européen proposerait un nouveau candidat dans un délai d’un mois, et selon la même procédure (art.I-27).
Le Traité de Lisbonne renforce donc considérablement les liens entre le Président de la Commission et le Parlement européen. Le Président est dorénavant élu par le Parlement européen - ce qui doit logiquement conduire le Conseil à prendre en compte la majorité parlementaire issue des élections. En même temps, la forte majorité exigée pour le vote du Parlement européen (la moitié des membres), devrait assurer l'élection d'un candidat consensuel en excluant, en pratique, qu'il soit élu par les voix d'un seul groupe politique.
Cette procédure d'élection a également pour effet de rehausser le profil politique du Président tant à l'intérieur du collège que vis-à-vis des autres institutions. De même, son image dans l'opinion publique pourra s'en trouver renforcée si - comme il est probable - les partis politiques européens désignent chacun leur futur candidat à la présidence de la Commission dans le cadre de leur campagne pour les élections européennes.
De plus, à partir du 1er novembre 2014, le nombre de commissaires serait réduit. Il serait équivalent aux deux-tiers (2/3) du nombre des États membres, soit 18 membres dans une Union à 27.
Le Conseil européen, statuant à l’unanimité, pourrait toutefois modifier le nombre des commissaires. Le collège serait composé du président de la Commission, du Haut représentant de l'Union (l’un des vice présidents) et de commissaires européens sélectionnés selon un système de rotation égalitaire entre les États membres.
Le Conseil, en accord avec le Président de la Commission et à partir de propositions des États membres établirait la liste des personnalités qu’il envisage de nommer. La Commission en tant que collège serait soumise à un vote d’approbation du Parlement européen. Elle serait ensuite nommée officiellement par le Conseil européen.
Quelques réflexions
Les innovations du Traité de Lisbonne relatives au Président de la Commission tendent donc à un renforcement de son rôle, avec toutefois les limitations suivantes :
- la création d'une Présidence permanente du Conseil européen et d'un Haut représentant (Président du Conseil des Affaires étrangères et Vice-président de la Commission) relativise le rôle du Président de la Commission dans la définition des grandes orientations politiques de l'Union européenne, ainsi que dans le domaine de la PESC ;
- l'autorité du Président de la Commission sur le collège demeure limitée par le fait qu'il ne dispose pas du libre choix des commissaires (comme le proposait la Convention) - et que le collège (au moins 27 membres jusqu'en 2014) semble devoir conserver son mode actuel de fonctionnement où les décisions sont prises par des votes à la majorité des membres et non pas sur la base d'un consensus dégagé par le Président ;
- le resserrement du lien politique entre le Président de la Commission et le PE - qui, désormais, l'élit - peut affecter positivement ou négativement l'équilibre des relations triangulaires PE/Conseil / Commission que doit gérer, en première ligne, le Président. Au mieux, cela pourrait renforcer sa responsabilité et son autonomie - au pire provoquer la paralysie du collège.
Le critère de rotation égalitaire est dangereux pour la Commission elle-même pour son poids et son autorité à l’avenir.(Il a été pris en raison des PECOs qui n’auraient pu concevoir qu’un commissaire de leur nationalité ne fasse pas partie de la Commission européenne. Se libérer de Moscou pour dépendre de Bruxelles ? et aussi des perspectives des prochains élargissements.
Ainsi, VGE a estimé qu’une Commission ne comportant pas de membre allemand ou français ou britannique et dans laquelle les représentants des petits pays seraient majoritaires n’aurait pas de légitimité à délibérer à la majorité.
Avec le principe de rotation égalitaire, Malte, Chypre, le Monténégro auront au sein de la Commission le même poids que l’Allemagne. Ce qui autorise quelques doutes sur le poids politico-institutionnel futur de cette institution.
[1] Le projet de traité maintient le vote à la majorité qualifiée en matière de sécurité sociale des travailleurs migrants (article 42 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), la possibilité pour un Etat-membre de s’opposer à un projet et demander l’arbitrage du Conseil européen (frein d’urgence) est maintenue.
[2] Les prescriptions minimales en matière de modernisation des systèmes de protection sociale.
[3] La CIG a inscrit l’unanimité non seulement pour le plafond des ressources propres mais aussi pour les modalités. Pour le cadre financier pluriannuel, la CIG maintient l’unanimité avec la possibilité de recourir à la « clause passerelle ».
[4] Pour l’ensemble des dispositions sur les politiques européennes.